jeudi 6 décembre 2012

CLINIQUE DU TRANSFERT

Lacan affirme ds le séminaire XI(1) que le transfert et le désir de l'analyste permettent de mettre en acte, la réalité sexuelle de l'incs.
Qu'est-ce que cela veut dire? Cela signifie que quand l'analyste écoute l'inconscient,celui-ci s'exprime par l'insistance d'un désir indestructible.
C'est exactement ce qu'il se passe avec Anna O une hystérique de 21 ans traitée par Breuer en 1881.Après l'arrêt de la cure, Breuer est rappelé en urgence. Anna en proie aux douleurs d'un accouchement hystérique . Breuer s'enfuit, terrifié .
Lacan dit que c'est le désir de Breuer ( ancêtre du désir de l'analyste) qui fait entrer l'amour et la sexualité par le transfert(transfert du lien incestueux au père, ce que témoignent l'hallucination des serpents au mur et la paralysie)
Pour Schreber(2),dont Sigmund Freud consacra une étude, le transfert est aussi la mise en acte de la réalité sexuelle de l'inconscient.
 Mais chez ce sujet psychotique, la pulsion n'est pas corellée à la castration, mais libre du fait de la forclusion de la métaphore paternelle et de la non mise en place du signifiant phallus.
 Ainsi dans le séminaire III(3) Lacan dit que la parole malheureuse de Flechsig:  « qu'il va dormir d'un sommeil fécond » déclenche le délire d'être la femme de Dieu. Que s'est-il passé?
Quand Shreber revient voir Flechsig après avoir été nommé président à la cour d'appel il est confronté à la question du Père,Flechsig dans le transfert est mis à la place du père.
La phrase " dormir d'un sommeil fécond" renvoie Shreber à la jouissance du père hors phallus qui jouit de lui, il construit son délire sur cette jouissance hors phallus en devenant la femme de Dieu,seule manière pour Shreber, sujet psychotique de régler la question de la jouissance non tamponnée par la loi phallique et la m étaphore paternelle.
 Lacan ds le séminaire VIII :" le transfert" (4), définit le transfert à partir du "sujet suppose savoir" savoir sur le sujet, sur la jouissance, sur l'objet a, le bonheur...
Cette quête de savoir ne va pas sans amour pour celui qui sait, qui sait faire avec l'objet a.
Dans un article: "introjection et transfert" (5), Ferenczi parle du transfert comme l'introjection de la personnalité du médecin dans l'économie subjective du patient.
Karl Abraham parle du transfert négatif qu'il a rencontré chez les patients obsessionnels du fait d'un narcissisme hypertrophié. Ils ont une position de prestance en séance avec le thérapeute intellectualisent,ils résistent au transfert paternel.
 Lacan dans le séminaire:" le transfert" à partir du banquet de Platon dit que dans le transfert l'amour vient tt d'abord puis le désir secondairement.
À la suite de M Klein,Lacan parle de la position d'objet de l'analyste et non de père comme le pensait Freud .
Le transfert pour Lacan n'est pas uniquement répétition, mais aussi désir de savoir. Dans le séminaire XX « Encore » (6), il dit: «  celui à qui je suppose le savoir. Je l'aime ».
Mais pas tout est savoir dans le transfert. Par la réalité sexuelle de l'inconcient, le pulsionnel y est aussi intéressé . Il s'exprime par les signifiants de la demande de satisfaction

TRANSFERT DU NÉVROSE :
Un sujet névrosé qui vient parler à un analyste suppose un savoir sur ce qui lui est caché, il adresse sa demande au savoir de l'Autre. Le Point de départ c'est donc le « sujet supposé savoir »
Le transfert comme amour de l'Autre, de son savoir y faire est aussi résistance et fermeture de l'incs.
Un analysant névrosé qui se prête au transfert parie sur l'amour du savoir inconscient. À partir des impasses de l'amour rencontrées dans le transfert, ce savoir va consister à cerner un impossible, celui du rapport sexuel qui n'existe pas. À partir de là le sujet pourra inventer sa propre solution, modifier sa position par rapport à l'autre sexe.
L'analysant aura son propre savoir sur la castration, sur la signification phallique de la sexualité avec ses limites .
 L'analyse par le transfert lui révèlera un autre savoir sur le noyau de sa jouissance,son fantasme fondamental, la singularité qui cause son désir, soit son objet a d'élection.

TRANSFERT CHEZ LE PSYCHOTIQUE:
La jouissance n'a pas été arrimée à un signifiant qui fait coupure, métaphore sur la jouissance archaïque débridée soit le signifiant phallus instauré par la métaphore du Nom du Père ( jouissance 1ère passée au refoulement et apparition de la jouissance phallique limitée).
Dans la psychose, il y a donc forclusion, la jouissance n'est pas bordée par le signifiant phallus, elle est débridée, libre, non orientée par le désir et la différence sexuelle.
Le sujet psychotique n'est pas séparé de l'Autre primordial porteur de cette jouissance.Ce que dit cet Autre est vrai car il n'est pas castré, il est le responsable et le fourvoyeur de la jouissance. Quand le psychotique ne va pas bien, il vient chercher un savoir mais chez un Autre Qui sait et qui peut jouir de lui.Il n'y a pas de relativisation du ressenti primaire grâce à la dimension symbolique structurée par la métaphore phallique. Le psychotique est arrimé à l'imaginaire du double, soit tout réel de la jouissance est attribuée à l'Autre.
Face à l'incompréhension des phénomènes qui l'assaillent, le psychotique vit l'analyste comme le persécuteur,car sa certitude chute, il est dans une énigme insupportable, le monde lui est hostile, la position de réciprocité imaginaire là ne peut plus fonctionner sur le versant idéal mais sur le versant de l'agressivité et de la lutte à mort, c'est moi ou l'autre.
La difficulté du transfert avec le psychotique se situe à ce niveau car l'analyste est mis à cette place de celui qui jouit, qui persécute le sujet,qui le devine et le manipule.Ainsi le délire inclut toujours l'analyste.
Pas de refoulement donc chez le sujet psychotique, mais mise en jeu totale du réel dans le transfert. Ex: C'est l'analyste qui veut lui planter un couteau quand le malade est pris de sensations cénesthésiques .
Quand la structure psychotique est repérée , la visée de l'analyste est de permettre au sujet une élaboration signifiante pour suppléer au défaut de la structure phallique qui noue le symbolique, l'imaginaire, le réel.
Dans le transfert l'analyste tente de limiter la jouissance débridée pour que le sujet soit moins démuni quant au réel.
L'analyste doit se situer en place de petit autre, suffisamment à distance de l'amour et de la haine pour permettre un accrochage suffisant au signifiant là où il devrait y avoir métaphore du Nom du Père.
L'inconscient structuré par le langage certes mais chez le psychotique pas par la Métaphore ( refoulement de la jouissance) mais par la métonymie comme moyen de contrôler le réel non refoulé qui court.
Ex pour Shreber le transfert c'est aussi la mise en acte sexuelle de l'inconscient, mais sans l'apport de la métaphore phallique, il n'y a pas refoulement de l'amour et du désir, c'est l' érotomanie qui s'exprime.
 Exemple du transfert paranoïaque: lui un homme je l'aime, transformé en il m'aime, il veut jouir de moi, je le hais.

L'ENFANT, LE TRANSFERT, ET L'INSTITUTION:
Il faut tenir compte des parents, ce sont eux qui transfèrent sur l'analyste « le sujet supposé savoir », Il faut donc qu'ils fassent confiance au thérapeute.
Les parents ne demandent pas une psychanalyse pour l'enfant mais une rééducation des comportements déviants .
Il y a donc à évaluer la capacité de changement de la famille après plusieurs entretiens préliminaires .
Le psychanalysten'est pas pour l'enfant, constitué en « sujet supposé savoir ».
Comment à partir des symptômes de l'enfant donner ce dire qui va pour l'enfant nous instituer comme « sujet suppose savoir »?
Ex Freud qui dit à Hans qu'il savait qu'un petit Hans naîtrait en aimant énormément sa Mere et que cela allait déclencher la peur de son père.
Hans demande à Freud comment il a fait pour savoir ça? Parle-t-il avec Dieu pour savoir tout ça?
Donc chez les enfants le transfert n'est pas préalable puisque la demande ne vient pas d'eux.
Pour C Soler, il faut que le psy déclenche le transfert en ne se défendant pas de son désir et ne répugne pas à se signifier comme le complément de savoir du symptôme.
Il y a dilution du transfert dans l'institution, déjà sur l'Autre qui a adressé vers l'institution ou sur l'institution comme lieu où va s'exprimer le désir.
Toute l'institution participe à l'amorce du transfert, la secrétaire qui constitue le dossier, ou l'infirmière, en internat la lingère qui donne les draps...
Au fil du temps le transfert va pouvoir se singulariser et s'orienter vers l'analyste dans le dépôt de la souffrance propre au sujet.

Comment dans l'institution de soins ou éducative, l'insupportable de la souffrance, va être supportée ? Quelle tolérance aux troubles, à l'agir, aux passages à l'acte? Comment mettre le sujet au travail dans l'institution?
En quelque sorte quelle place l'institution fait à la parole et aux thérapeutes pour que malgrè les actes qui dérangent,le sujet puisse s'interroger sur sa responsabilité dans ce qui le fait souffrir, pour qu'il mette en parole sa jouissance, qu'il aille au delà de la plainte et produise un savoir sur lui même.
Dans l'institution, la gratuité à cours, pourtant le payement à toute sa raison d'être car payer c'est renoncer à la jouissance , en céder une part à l'autre.
Dans les institutions éducatives recevant des enfants carencés, il y a une vraie difficulté transferentielle avec les parents, ceux -ci étant vécus ou se vivant souvent comme de mauvais parents, face à l'institution toute bonne pour l'enfant.
Dans l'institution, les signifiants maître comme éduquer, enseigner, soigner, règlent la place du sujet, l'institution a le savoir, il n'y a pas de place vide pour apprendre du sujet.
L'institution vise le tous ensembles tous pareils contre le particulier, le singulier,
L'institution à l'heure de la rentabilité économique, de la standardisation des individus, des recommandations de bonnes pratiques dictées par les maîtres technocrates des ministères(ANESM agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux), n'a que le souci de mettre l'individu au pas du collectif , la norme étant ce qui sert sa cause.

Si l'enfant ne sert pas bien cette cause, il y a rejet. Impossible à supporter, affects du réel dit Colette Soler qui fait que ces enfants ne peuvent pas trouver leur place dans ces institutions.
L'insupportable étant la jouissance en trop tournée vers les autres par les passages à l'acte, les symptômes et troubles divers.
Qu'est ce qui peut permettre à une institution de renoncer à la maîtrise pour traiter de l'insupportable, de consentir à un certain évidement, à supporter en creux qu'elle n'a pas un savoir déjà constitué?
Les psychanalystes ont un rôle à jouer dans l'institution afin qu'elle ne s'enferme dans ses idéaux.L'éthique de la psychanalyse oeuvre à faire entendre que derrière la norme, il y a toujours le réel de la jouissance qui revient là où il est éjecté, le réel fait toujours insistance.
Une institution qui ne serait que dans la maîtrise et le discours du maître est une institution qui forclot le sujet, ce dernier mis en place de pion, d'objet.
L'analyste aide à remettre dans le circuit de la parole les faits, les actes.Pourquoi la mise en parole du sujet dans l'institution est un incontournable?
 Parce que c'est la parole qui met le sujet dans un rapport de demande et de désir à l'Autre, et ce qui le fait dépendre de la demande et du désir de l'Autre, c'est la pulsion.Soit elle s'exprime en actes, soit en demande.
La pulsion ce n'est pas de la pathologie, bien au contraire c'est du vital, elle pousse vers l'Autre, via la particularité des objets: oral, anal, scopique, vocal. À partir du moment où l'enfant passe par la demande,il passe par l'articulation signifiante, il substitue à la jouissance autoérotique , une jouissance liée à l'Autre par l'échange .
Ce qui, des besoins n'a pas muté en pulsions laisse le sujet en proie au réel de son organisme.
 Il y a donc nécessité à garder tout ce qui a fonction d'évidement dans l'institution propre à maintenir la faille entre demande et désir.
L'évidement c'est pour le psychanalyste ne pas être dans le tout savoir, ne pas fermer la question posée par les symptômes, ne pas les noyer dans le sens, l'interprétation , ne pas être dans la compréhension tout prête à servir.
 L'institution orientée par la psychanalyse saura créer ses propres espaces d'évidement pour qu'émerge la demande et le désir du sujet.
Pour Lacan le désir émerge et trouve son sens par le désir de l'Autre. Donc il y aura du désir chez l'enfant dans l'institution si son désir est écouté.


 1- Séminaire XI « Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse » Lacan – Seuil- 1964
 2- »Mémoires d'un névropathe » in Cinq psychanalyses, sous le titre « Remarques psychanalytiques sur l’autobiographie d’un cas de paranoïa : Le président Schreber
 3- Séminaire III «Les psychoses» Lacan
 4- Le transfert » séminaire VIII Lacan
 5- Ferenczi Sandor, « Transfert et introjection », 1909, in Œuvres complètes T 1, Payot, coll. : Science de l'homme, 1990,
6- Lacan, Séminaire XX « Encore »

 D.Cuny
 02/04/2013




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